La République c'est la Démocratie
Dans le dictionnaire des mots trahis, République et Démocratie occupent des places de choix. Usés jusqu’à la corde par la langue du pouvoir, ils n’en demeurent pas moins ses plus fidèles serviteurs. Il faut dire que ce sont des mots qui en imposent ! On n’a pas besoin d’être sûr de ce qu’ils veulent dire pour savoir quoi en penser. C’est bien pratique, ça ne pèse pas lourd parce que c’est creux, et ça permet de suinter du commentaire d’actualité sans trop se prendre la tête. On peut même s’en servir pour inciter les gens à voter, en leur disant qu’il faut faire barrage au fascisme parce que la République c’est la Démocratie.
Attardons-nous sur cette expression que je sors de nulle part, mais qu’aucun pitre d’hémicycle ne renierait, tant elle est parfaitement conforme à ce que chacun pense dès lors qu’il ne pense pas. Le procédé est, je le reconnais, tout à fait malhonnête, mais je poursuis sans m’en soucier.
Ou bien nous considérons l’absence de désignation claire, et dans une perspective un peu surréaliste nous affirmons qu’elle est le strict équivalent des formules suivantes :
– La choucroute de voie lactée c’est la confiture du silence.
– Le purin sublime c’est l’hypothèse du crâne enfoui.
– La grandeur du crapaud c’est le formol prismatique.
Ou bien, nous considérons que si ces termes n’ont pas de signification précise dans l’emploi qu’en font les experts de la politique, ils possèdent en revanche une valeur laudative très nette.
Dans cette perspective nous traduisons sans peine la formule, « la République c’est la Démocratie » ou « la Démocratie c’est la République » —, peu importe, la bêtise est commutative — par :
– Les gentils c’est les gentils, ou le bien c’est le bien.
Ou pour être moins tautologique :
– Les gentils c’est le bien, ou le bien c’est les gentils.
En aucun cas en revanche nous ne pourrons traduire tout cela par :
– La choucroute de voie lactée c’est le bien, ou les gentils c’est le formol prismatique.
Car on ne peut mélanger la confiture du silence et le purin sublime sans ébranler les fondements de notre fière nation.