À Onze Heures
Pour que j’aille au café à onze heures,
Il faudrait qu’il soit onze heures
Lorsque je le désire.
Or un cas tel que celui-ci ne se présente jamais.
La plupart du temps, il est onze heures trop tard,
Alors que je dors déjà,
Ou bien il est onze heures trop tôt,
Alors que je dors encore.
Il m’arrive de ne pas aller au café à onze heures,
Même lorsque je ne dors pas,
Parce que je suis trop triste, trop fatigué ou trop anxieux,
Pour sortir de chez moi.
Le café n’est pas loin, il est calme,
À onze heures je peux m’y rendre,
Mais il n’est pas onze heures pour moi,
Il est onze heures pour tous les autres,
Alors le café ouvre, et les gens s’installent.
Quand je vais au café à onze heures,
Parce que j’ai fait une promesse,
Ou bien parce que je suis trop triste, trop fatigué ou trop anxieux,
Pour rester chez moi,
Je sens que quelque chose cloche.
Le thermos de café se trouve bien sur le comptoir,
Le sourire se trouve bien sur le visage du gérant,
Mais quelque chose cloche tout de même.
C’est qu’il n’est pas onze heures pour moi,
Que je ne suis donc pas prêt
À écrire des poèmes en buvant mon café,
Ou à prendre part à une conversation.
Lorsque je désire qu’il soit onze heures,
Le café n’est pas encore ouvert,
Ou alors il est sur le point de fermer.
En tout cas il n’est jamais dans cette disposition particulière,
Qui est la sienne le dimanche matin à onze heures
Lorsque le café est gratuit.
Alors je bois mon café seul,
Au beau milieu de la nuit,
En me demandant ce qu’il pourrait advenir,
S’il était onze heures lorsque je le désire.